La calligraphie asiatique à travers ses objets
Des pierres à encre aux objets utilisés depuis l’Antiquité par ceux qui maîtrisaient la calligraphie... Entrez dans la culture des signes, avec cette nouvelle exposition, jusqu’en septembre. [Var-Matin (Grand Toulon)16 Apr 2018VALÉRIE PALA]

Il est une invention géniale qui a traversé le temps et les époques: l’encre de Chine, que l’on est encore pas mal à avoir utilisée dans les écoles françaises. Moins connu, mais tout aussi passionnant, est le monde des accessoires et objets accompagnant cette écriture. Le Musée des arts asiatiques de Toulon lui consacre une exposition, «Pierre à encre et objets de lettrés». Apparemment, une première nationale. Ces objets à l’intérêt matériel, mais aussi chargés de symboles, seront une nouvelle porte d’entrée vers la découverte de la culture asiatique, comme en propose le musée, à chaque nouvelle exposition. Une entrée en Chine, dans « le pays du signe», dans tous les sens du terme, comme le définit l’un des commissaires de l’exposition Christophe Comentale, conservateur au Musée de l’Homme à Paris.
Qu’est-ce que la pierre à encre ?
C’est sur cet objet que l’on pose «l’encre en bâton, rendue soluble avec un peu d’eau», explique Guillemette Coulomb, conservatrice responsable du Musée des arts asiatiques et autre commissaire de l’expo. Entre l’Antiquité et aujourd’hui, elle va se décliner à l’infini en Asie.
Un peu d’histoire:
La pierre à encre appartient au lettré, équivalent du fonctionnaire. «Dès le Ve siècle avant notre ère, on a une bureaucratie céleste», explique Christophe Comentale. Comprenez, vouée à l’empereur. « Elle s’occupe autant de gérer les écuries royales, que la production de perles…». Pour égayer «ces métiers tristes» de bureau, les accessoires les plus «anticonformistes vont voir le jour». Véritables objets d’art, surtout. Pour le commissaire, ils ne seraient rien de moins que l’équivalent «des stylos Mont-Blanc» dont s’entiche notre bureaucratie en col blanc aujourd’hui!
Celles que l’on peut voir au musée:
Des pierres à encre en roche, céramique, laque rouge… chinoises et japonaises, de toutes les époques. L’une à trois pieds en tête d’ours, l’autre à douze sommets, datant de la dynastie Han, une autre encore, représentant un paysage. Les signes propitiatoires sont partout, afin de s’attirer les faveurs du destin, nous rappelant au passage que «les Chinois adorent le bonheur». Il peut s’agir d’une marmite rituelle ou de la pêche, fruit représentant la longévité (ne dit-on pas avoir la pêche?).
Les autres objets : écran de table…
Un art qui va se décliner à tous les objets de lettrés: du bâton d’encre décoré au pot à pinceau ou au repose-pinceau avec motif d’enfant, par exemple. L’environnement de travail est reconstitué dans cette exposition: écran de table représentant une scène pour distraire le lettré, ou brûle-parfum avec un personnage taoïste (issus de la collection du musée dont a fait don Denise Collet), mais aussi calligraphie, encres sur papier de soie… Plus imposants: des estampages, dévoilant une technique d’impression sur papier à partir d’une gravure sur pierre. Toute une culture à découvrir, longtemps ignorée des Occidentaux, afin que l’on ne soit plus, comme étaient désignés dans les temps anciens les Chinois non initiés à l’écriture, des «aveugles du signe».
(VALÉRIE PALA )
L’histoire des pièces

C’est en quelque sorte un lettré des temps modernes. Aussi artiste, collectionneur, Yang Ermin, Chinois, a prêté une partie de sa collection pour cette exposition (avec un autre collectionneur anonyme). Il a d’ailleurs pris à sa charge son acheminement jusqu’à Toulon. « Sinon, notre budget ne nous permettait pas de monter une telle exposition », précise Guillemette Coulomb. Dans une Chine passée par la révolution culturelle et sa haine des intellectuels, nombre de ces objets ont-ils pu passer à travers les mailles de l’épuration ? « Depuis les années 1960 et la révolution culturelle, des intellectuels ont tout caché, enterrant quelquefois des pièces protégées dans du plastique par exemple ,explique Christophe Comentale. Ils les ont ensuite ressorties. Depuis les années 1990, la Chine a commencé à investir dans des objets d’art ». Les pierres à encre font aujourd’hui l’objet de ventes dédiées chez Sotheby’s ou Christie’s.
Pierres à encre et objets de lettrés, Musée des arts asiatiques de Toulon, du12 avril au 30 septembre. Ouvert du mardi au dimanche, sauf jours fériés, de 12 h à 18 h, littoral Frédéric-Mistral. Entrée libre.